
et en français, je préfèrerais « Les incertitudes de l’amour « . Mais on ne va pas chipoter, car je vous présente un bon roman très anglais et très charmant, à l’humour délicieux. Si c’était une pâtisserie, il s’agirait d’une tarte au citron, pâte sablée croquante, crème au citron et une bonne épaisseur de meringue sucrée. Je vous invite à la déguster !
Dulcie Mainwaring, jeune personne dans la trentaine, vient de perdre sa mère, et son presque fiancé l’avertit- avec la plus grande courtoisie- qu’il renonce à ses projets. Dulcie prend une grande résolution pour oublier ses préoccupations, et elle va se rendre à un colloque de société savante qui se tient dans une belle propriété de la campagne anglaise. Elle n’aura pas, à son grand soulagement, de compagne de chambre, mais une voisine, Viola, qui elle aussi fait connaissance des lieux :
» Elle alluma une cigarette et se pencha par la fenêtre. Il y avait au-dessous d’elle une jolie plate-bande de dahlias, des pommes et des poires faisaient ployer les arbres sous leurs poids et, au loin, des landes s’étendaient jusqu’à des collines et ce qui avait l’apparence du monde extérieur, de la liberté « .
Elles se présentent : » … nous corrigeons des épreuves, établissons des bibliographies et des index , bref, nous nous chargeons des tâches ingrates les plus monotones pour le compte de gens plus brillants que nous « .
Précisément, un participant considéré comme brillant, le conférencier Aylwin Forbes s’installe lui aussi : « Il sortit de sa valise une demi-bouteille de gin en forme de flasque : il l’avait extraite des plis de son pyjama, où elle avait voyagé tranquillement depuis Londres jusqu’à ce village perdu du Derbyshire. Il la plaça tout d’abord sur la table de toilette, mais elle détonnait avec ses comprimés de levure, sa poudre gastrique et sa lotion capillaire. Comme il n’y avait pas d’autre placard, il allait bien falloir, en fin de compte, la ranger dans l’armoire – cette cachette à bouteilles qui, pour être traditionnelle, n’en était pas moins un peu honteuse. L’autre article important que contenaient ses bagages – le dossier de notes pour la conférence qu’il devait faire sur » Les problèmes d’un directeur de revue » -, il le plaça sur la chaise à côté « .
Au dîner, deux longues tables attendent les participants dont certains se connaissent déjà. Et les rites se déroulent, café dans la serre, et le lendemain matin, réveil avec une tasse de thé apportée dans la chambre.
Les deux femmes ont eu le temps d’échanger leurs impressions sur Aylwin Forbes, qu’elles trouvent tellement séduisant, au point de se demander pourquoi il est séparé de sa femme – les nouvelles vont vite. L’inattendu se produit : le conférencier est pris d’un malaise et sa conférence est interrompue, dans l’inquiétude générale, et sa gêne quand il reprend conscience.
Elles souhaitent en savoir davantage… Dulcie est en confiance avec Viola au point de lui dire que depuis la mort de sa mère, elle se sent seule dans sa grande maison avec jardin des environs de Londres. Bientôt, Viola la rejoint, et elles peuvent continuer à papoter sur le beau conférencier qui les attire, l’une et l’autre.
Puis, Laurel, nièce de Dulcie, vient habiter avec elles, car elle poursuit ses études à Londres et la maison est tellement grande ! Elle y met sa fantaisie, parle de ses rencontres, Paul, un fleuriste déjà amoureux.
A la recherche du conférencier, Dulcie et Viola se rendent dans un hôtel du bord de mer, rencontrent toutes sortes de personnes excentriques mais convenables, y compris un vicaire qui fuit une paroissienne trop assidue, parcourent Londres en toute sécurité : cela se passe dans les années 1960, et on ne peut s’empêcher d’éprouver un peu de nostalgie.
Dans cette atmosphère très bien élevée, où l’on n’étale pas ses sentiments, et où l’on prend garde de ne blesser personne, les passions naissent pourtant, et les intrigues amoureuses se concluent par un, des mariages inattendus. Le champagne s’impose plutôt que la tasse de thé :
« Le spectacle d’une bouteille de champagne qui mousse peut susciter le rire et la gaieté jusque dans un salon de banlieue, peut-être même là plus qu’ailleurs « .
Les inconditionnell/es de Barbara Pym – dont je suis – seront enchanté/es de découvrir un texte si bien réédité, et pour les autres, ce sera une découverte qui fait passer des heures d’évasion bien agréables.
