Les Editions Belfond rééditent dans leur remarquable collection » Vintage » un roman très fort de l’un des écrivains prestigieux du Sud, frère en littérature de William Faulkner, John Steinbeck, et aussi de Tennessee Williams.
» Unité de lieu, de temps « , souligne dans sa préface Yves Berger, romancier : » Le Sud » ( Prix Fémina, où il décrit de jeunes passions dans le Sud de la France ), grand connaisseur des Etats-Unis et de la littérature du Sud. On peut lire un extrait sur la couverture, verso.
Unité d’action aussi : le drame se déroule autour de Vernona, personnage central, en sept jours à Palmetto, petite ville de 548 habitants, écrasée de chaleur en cette fin septembre, du vendredi après-midi au jeudi soir :
» On distinguait encore, à l’horizon, une dernière trace de rouge. Ils sortirent de Palmetto et se dirigèrent à l’ouest vers la rase campagne, dépassant les bouquets de palmiers nains qui poussaient le long de la route. On avait appelé la ville Palmetto à cause de ces arbres et de leurs feuilles en éventail. Ils poussaient à l’état sauvage sur tout le plat pays jusqu’à la côte « .
Il y a déjà tout juste une semaine que la nouvelle institutrice, Vernona, est arrivée, et cette très jolie jeune fille seule de vingt-deux ans, brune explosive, mais ingénue, attire l’attention. Elle a pris pension chez Blanche qui la place sous sa protection, en principe, et lui donne des conseils en pensant à son propre intérêt et à la bonne tenue de sa maison.
Une semaine de présence … Floyd, écolier de seize ans, se déclare passionnément amoureux d’elle, et veut l’épouser. Elle consent assez imprudemment un baiser… Suit Jack Cash, qui a pour habitude de venir saluer chez Blanche chacune des nouvelles institutrices, quinze en quinze ans… et lui apporte, sous l’oeil attendri de l’hôtesse, un bouquet de violettes cueilli près de chez lui. Un peu bizarre… Elle l’éconduit, de même que le fermier veuf qui lui offre une soirée au cinéma et finit par l’emmener près de sa ferme, car il voudrait la prendre à l’essai pendant une semaine…
Elle aimerait le séduisant Milledge Mandrum, politicien influent – qui lui fait livrer deux kilos de chocolats, mais recule devant l’épouse jalouse… Et elle en évite d’autres, à peu près un par jour, qui viennent la relancer jusque sur la veranda de Blanche, et dans sa chambre.
Vernona pleure souvent, voudrait se consacrer à son métier d’institutrice afin de ne pas connaitre la vie de sa soeur… Mais elle sert innocemment de révélateur à toutes sortes de pulsions, de frustrations, de violence qui n’ont jamais été canalisées, éduquées et finissent par se libérer.
Qui sera la victime de la tragédie qu’on pressent inévitable ? La Belle inconsciente ou les personnages qui l’observent et veulent se servir d’elle ?
Pourtant, cette galerie d’hommes bizarres, et de femmes qui ne le sont pas moins, a parfois quelque chose de très drôle, et même réjouissant dans le genre humour noir. Cette forme de récit féroce autant que cynique a fait scandale lors de la sortie du livre en 1951 à sa parution aux Etats-Unis.
Erskine Caldwell décrit sans état d’âme des personnages éloignés de toutes préoccupations morales, mais soucieux de petits calculs mesquins, et jamais il ne juge ni ne prend parti. D’où la puissance du récit.
Né en 1903, issu de ce Sud qu’il connait si bien, il a exercé les métiers les plus divers, machiniste de théâtre, marin, footballeur professionnel, cultivateur, garçon de café, journaliste. Il a tiré parti de ses expériences pour son oeuvre, la plus censurée, dit-on, aux Etats-Unis : 30 romans dont La Route au tabac, Bagarre de juillet, Le Petit Arpent du Bon Dieu, –150 nouvelles, 15 volumes de reportages et d’essais – plus de 80 millions d’exemplaires dans 43 langues. Il est mort en 1987 à Paradise Valley, en Arizona.
Erskine Caldwell – Haute tension à Palmetto – Préface d’Yves Berger ( voir extrait au dos du livre ) – Traduit de l’américain par Anne Villelaur – Editions Belfond – 304 pages – 15 Euros – Collection Belfond Vintage
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