A la nouvelle du décès ( 1 er septembre 2016 ) d’ Alain Barbier Sainte Marie » ancien journaliste, Fondateur de la Société des Amis des frères Goncourt » , me revient le souvenir d’un doux après-midi ensoleillé de juillet à Paris ( vers 1991-2 ? ) partagé dans la vénération des Frères Goncourt , » ferveur non dénuée d’esprit critique « . Sa définition a tout mon accord.
– Acte 1 – Rendez-vous au bas d’une rue de Montmartre dans un petit café – et de là nous avons remonté cette rue qui longe ce qui avait été la propriété de leur tante – Nephtalie de Courmont, puis nous nous sommes recueillis devant la tombe des deux frères au cimetière Montmartre.
Je reprends le texte de ma conférence, la première de toutes, sur » L’actualité des Goncourt, Edmond, Jules, et leur prix » qui suivait mon tout premier article, dédié aux Goncourt – mes passeports vers cette amitié :
» D’où vient leur inclination pour les belles choses et les belles lettres ? Leur père n’a pas une passion pour les arts, mais il tient à ce que chez lui tous les objets soient de belle qualité. Leur mère est une personne raffinée.
» Et il y a l’influence de leur tante, Nephtalie de Courmont. Femme intelligente, cultivée, sérieuse, elle s’occupa tout particulièrement d’Edmond, qui lui vouait des sentiments d’admiration et de respect. Elle possédait à Ménilmontant, alors à la campagne, une belle demeure du XVIIIème siècle, avec un grand jardin, un parc, un bois, et même une salle de théâtre en ruines. Madame de Goncourt et une autre de ses belles-soeurs venaient y passer l’été. Le dimanche, Edmond accompagnait les trois femmes « habillées de jolies robes de mousseline claire » dans leur recherche du temps perdu et des objets retrouvés. Il précise dans le Journal :
» Ce n’est pas seulement le goût de l’art que je dois à ma tante, et du petit et du grand : c’est elle qui m’a donné le goût de la littérature. Elle était, ma tante, un esprit de femme nourri de hautes lectures, et dont la parole, dans la voix de femme la plus joliment féminine, une parole de philosophe et de peintre – au milieu des paroles bourgeoises que j’entendais -, avait une action sur mon entendement, et l’intriguait et le charmait « .
Ce jour de juillet où je rencontrai Alain Barbier Sainte Marie après des conversations au téléphone – toujours autour des Frères ! – je tenais à faire bonne impression dans un style romantique, littéraire, quoi ! J’avais choisi une jupe de longueur midi, droite mais souple, en shantung naturel et un haut en soie écru forme cache-coeur aux bordures nouées festonnées main. Je portais des gants de dentelle écrue … pour cause de blessure à l’index gauche suite à une griffure de chat sous l’ongle … dont je voulais dissimuler le pansement.
J’eus le cri du coeur en le voyant, m’exclamant : – Mais vous êtes le troisième Goncourt ! – Très mince, grand, élégant, dandy, plein de prévenances, il ressemblait aux frères, et il fut d’une compagnie charmante.
Avant cet après-midi de juillet, de longue date, je m’étais passionnée, entr’autres, pour le Prix et la personnalité des frères. Un libraire parisien chez qui je cherchais des éditions d’époque ( pour ma documentation, car je ne suis pas bibliophile ) me dit qu’un autre de ses clients avait une passion pour les frères et qu’il voulait fonder une Association littéraire portant leur nom, car elle n’existait pas. Il nous mit en relation et c’est ainsi que des louanges s’échangèrent au téléphone à propos de nos chers écrivains incompris par beaucoup.
Je fus enthousiaste à l’idée de la Société en leur honneur. Alain Barbier Sainte Marie, journaliste, érudit, esprit libre, ce qu’il faut souligner, un autre point commun avec les frères, était d’une grande modestie. Il lança donc la Société en souhaitant être le Secrétaire Fondateur, et il avait préféré pour président un universitaire, Pierre … quelque chose … Il choisit l’éditeur, les Editions du Lérot, la couleur raffinée de la couverture et écrivit plusieurs articles.
Acte 2 – Appel téléphonique d’Alain Barbier Sainte-Marie ( vers 2001-2002 ) : » La situation est grave, le président refuse de publier mon article. S’il persiste, je donne ma démission « .
Je m’exclame évidemment, tant la situation est incroyable. La réunion de la Société est prévue en novembre, dans une salle de la Bibliothèque nationale, site Richelieu, côté Vivienne. Le Fondateur prévient qu’il ne s’y rendra pas, qu’il maintient sa position, et évidemment je l’approuve. Il est soutenu par un certain nombre de membres mais le président ne veut rien savoir.
Nous sommes donc là, autour d’une grande table, une autre dame et moi décidées à soutenir notre Secrétaire Fondateur. Il faut dire que le président est particulièrement arrogant et antipathique. Non, il ne veut pas publier l’article du Fondateur ! L’autre dame argumente, moi, je me mets en colère – les amis sont les amis – et je rappelle au président que si nous sommes tous là, c’est grâce à Alain Barbier Sainte-Marie qui a tout fait, qui a eu l’idée, l’énergie, la persévérance et je rappelle ce mesquin à un minimum de reconnaissance, car s’il est président, c’est que le Fondateur l’a désigné et que sans lui il ne serait rien ! Je dis, avec d’autres, que si l’article d’Alain Barbier Sainte Marie n’est pas publié, je donne ma démission.
Là-dessus, ce petit président fait un commentaire que je qualifierais d’égrillard. Je proteste, mon voisin, universitaire allemand, aussi. Mon voisin tente la conciliation, peine perdue. Donc, nous donnons, en groupe, notre démission. Pas tous les membres.
Nous avertissons par téléphone Alain Barbier Sainte Marie, en direct.
Et là-dessus, le trésorier dit d’une toute petite voix : » Et comment je vais faire, moi, c’est Alain Barbier Sainte Marie qui payait beaucoup de sa poche ! «
Il fallait y penser avant ! répond quelqu’un en sortant de la salle.
Secrétaire Fondateur, mais aussi mécène discret de » sa » Société. On rencontre rarement des personnes aussi désintéressées.
Un compte-rendu au téléphone suivit. Alain Barbier Sainte Marie me dit qu’il s’y attendait, et ajouta : » Cela ne fait rien, je vais continuer la publication des Lettres de Jules « .
- Acte 3
Courant 2004, Alain Barbier Sainte Marie nous alerta à propos de la demeure des Goncourt, boulevard Montmorency, leur maison-musée au très beau jardin qui abritait leurs collections, dispersées à leur décès pour financer le prix littéraire portant leur nom.
Le » Grenier » spécialement aménagé, lieu de rencontre des amis, écrivains, artistes les dimanches après-midis, devait être préservé !
Devenue propriété de la Ville de Paris, cette demeure avait hébergé une locataire privilégiée qui n’avait pas veillé à son entretien. D’ailleurs la maison était guettée par un promoteur.
Evidemment, comme à son habitude, le Fondateur de l’Association se battit pour préserver le lieu de mémoire. Il alerta l’Académie Goncourt, des lauréats du prix… et tout le monde resta indifférent.
Il suscita des articles comme celui du Journal du Dimanche, où il put donner son point de vue :
Et un autre article :
Puis ce fut le silence … mais il avait fait une fois de plus son devoir vis à vis des chers Goncourt.
Tous mes droits évidemment réservés, etc – copyright – merci – je tiens beaucoup à mon texte !
- France FOUGERE
Tu m’as fait découvrir un écrivain que je ne connaissais pas
A reblogué ceci sur lepapillondeslivrescerclerenevigoet a ajouté:
Avec les articles sur la demeure des Goncourt, leur maison-musée